Marie Kacouchia
Fatigue chronique, parlons-en !
Il est naturel de ressentir de la fatigue par moment. C’est par exemple le cas après un effort physique ou intellectuel exceptionnel (entraînements sportifs, compétitions, examens…).
Mais parfois, cette sensation peut s’installer durablement et nous empêcher d’être pleinement nous-mêmes. On parle alors de Syndrome de la Fatigue Chronique.
Pour nous aider à comprendre cette fatigue du quotidien et à mieux y faire face, nous avons donc interrogé Kehna Benhaiem, Docteure en pharmacie et Docteure en pathologies humaines, spécialisée en nutrition et phytothérapie et membre du Comité Scientifique de Cuure.
Sommaire :
Quand peut-on parler de syndrome de fatigue chronique (SFC) ?
La fatigue touche-t-elle uniquement le corps ?
Certains facteurs peuvent-ils être aggravants ?
Des solutions naturelles existent-elles face au SFC ?
Conclusion

Si la fatigue est connue de tous, à quel moment peut-on parler de syndrome de fatigue chronique (SFC) ?
Le Syndrome de la Fatigue Chronique est un terme pour désigner une fatigue persistant plus de 6 mois et qui n’a aucune origine médicale évidente.
Le Syndrome de la Fatigue Chronique, à ne pas confondre avec la fibromyalgie, est un syndrome qui a été défini dans les années 80 par le Dr Fukuda , médecin japonais qui a réalisé une classification en 1994 selon des critères établis pour aider au dépistage de cette maladie multifactorielle. L'organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît cette maladie sous le nom de Syndrome de fatigue post-virale, Encéphalomyélite myalgique bénigne, et la place au rang des troubles neurologiques (1).
Autre condition pour confirmer l’existence d’un SFC et ne pas la confondre avec d’autres pathologies, il faut la présence d’au moins 4 à 8 des symptômes suivants : douleurs articulaires troubles de la mémoire et de la concentration, douleurs musculaires, maux de tête, adénopathie douloureuse (« ganglions douloureux » des aisselles et du cou), troubles du sommeil, angines et pharyngites à répétition, fatigue à l’effort (2).
La fatigue touche-t-elle uniquement le corps ?
La fatigue, quelle qu'elle soit, peut être de nature physique ou mentale. Anodine ou témoin d’une pathologie grave, la fatigue est un symptôme à ne pas prendre à la légère. La fatigue physique et la fatigue mentale peuvent d’ailleurs parfois se juxtaposer.
Ces fatigues physiques et mentales peuvent trouver leur source dans l’épuisement nerveux lié au stress, le surmenage, les algies chroniques (bromyalgie, maladies inflammatoires), les fatigues liées à un combat immunitaire (hépatites, grippe, mononucléose, infections respiratoires chroniques), ou encore les fatigues liées à l’âge (l’andropause ou la ménopause) (3).
Certains facteurs peuvent-ils être aggravants ?
La fatigue peut être la conséquence d’une maladie silencieuse ou le résultat de facteurs aggravants comme le manque de sommeil et la mauvaise alimentation.
D’autres carences comme le manque de fer peuvent aussi expliquer le SFC car le manque de fer diminue le nombre de globules rouges transportant l’oxygène. Je précise cependant que cette carence doit être déclarée par le médecin après une analyse biologique.
Le manque de magnésium peut aussi être une explication à cela. En effet, le magnésium permet le bon déroulement de réactions biochimiques dans la cellule, aide à faire face au stress ou un déséquilibre hormonal comme dans le cas de l’hypothyroïdie. Pourtant, d’après l’étude SU.VI.MAX, plus des trois quarts de la population ne reçoit pas les apports quotidiens recommandés en magnésium (4) (5).
Des solutions naturelles existent-elles face au SFC ?
Plusieurs solutions naturelles existent notamment pour lutter contre le SFC. Parmi elles :
Le Bacopa
Le Bacopa (Bacopa monnieri ou Brahmi) est une plante de l’Inde qui utilisée dans des situations de stress permet de réduire les concentrations de glutamate et d’accroître celle de Gaba (acide gamma aminobutyrique) dans différentes zones cérébrales. Les niveaux d’anxiété seraient ainsi réduits d’environ 20 %, la fatigue mentale, diminuée et les niveaux de sérotonine (le neuromédiateur du sommeil) accrus. Les résultats de quatre essais publiés en Inde indiquent que le bacopa peut notamment améliorer les facultés cognitives et la mémoire chez des écoliers en bonne santé (6).
Le Ginseng
Le Ginseng (Panax ginseng, panax signifiant en latin remède universel) est une plante adaptogène. Elle contient une forte teneur en polysaccharides acides, ce qui lui confère des propriétés « anti-fatigue ». C’est une plante médicinale reconnue venant d’Asie ; elle peut être disponible sous forme de ginseng blanc ou de ginseng rouge (sa couleur résulte d'un traitement spécial de fumaison). La teneur en ginsénoïdes doit être au moins de 7% , ce qui lui confère la propriété de tonique métabolique (7).
Le Guarana
Le Guarana (Paulliniacupana,Paulliniasorbilis) est un arbuste originaire du Brésil et d’Amazonie appartenant à la famille des sapindacées. Les Amérindiens de l’Amazonie le consommaient dans une boisson stimulante après avoir torréfié les graines et les avoir réduites en poudre. En effet, les graines de guarana sont riches en substances tonico-nervines qui agissent sur les centres nerveux encéphaliques. Mais le plus important c’est la teneur en caféine (« guaranine ») de 2,5% à 7% soit 2 à 3,5 fois plus que dans les grains de café.
Attention cependant, du fait de sa haute teneur en caféine, le Guarana est contre-indiqué pour les femmes enceintes et allaitantes, les enfants, en cas d’hypertension, de problèmes cardiaques, d’ulcères et d’insomnies (8).
La Rhodiola
La Rhodiole (Rhodiola rosea) est une plante adaptogène qui renferme deux substances : la rosavine et le salidroside présents dans la racine. Ces deux substances favorisent le transport des précurseurs de la sérotonine, neurotransmetteur du système nerveux. Les propriétés adaptogène et anti-stress de cette plante ont été étudiées notamment à travers plusieurs études en double aveugle chez des étudiants en période de stress (9). Son action anti-stress est dûe à son action stimulante des hormones surrénaliennes.
Le Ginkgo
Le Ginkgo (Ginkgo biloba appelé « arbre aux quarante écus ») est un arbre qui date d’environ 270 millions d’années. Il a comme réputation d’être le premier végétal à avoir poussé après l’explosion de la bombe nucléaire à Hiroshima (Japon). Ses feuilles renferment de précieux actifs comme les terpènes et notamment les flavonoïdes. Ce sont les flavonoïdes qui favorisent la dilatation des vaisseaux sanguins et notamment d’augmenter le débit sanguin cérébral. Ces propriétés circulatoires ont été reconnues par la Commission E (10) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (11) et à partir de plusieurs essais.
Notez tout de même, des contre-indications dues aux interactions médicamenteuses avec un traitement à base d’anticoagulants, augmentant le risque d’hémorragie, avec certains bêta-bloquants, avec un traitement antidiabétique, avec les inhibiteurs du reflux gastro-oesophagien, les antihypertenseurs et les anti-angoreux (12) (13)(14).
L’Eleuthérocoque
L’Eleuthérocoque (Eleutherococcus senticosus) est une plante adaptogène, contenant dans la racine, des polysaccharides, des éleuthérosides, des coumarines, vitamines et acides aminés. Ces substances lui confèrent entre autre des propriétés anti-stress et stimulante du système nerveux central (SNC) (15).
Conclusion
Le Syndrome de Fatigue Chronique n’est donc pas à prendre à la légère. Il peut jouer tant sur le physique que le mental et avoir des retentissements sur tous les aspects de notre vie. Des solutions aussi bien allopathiques et phytothérapeutiques existent pour y faire face dans le cadre d’un mode de vie sain.
En plus de celles-ci, il est essentiel de veiller à : manger équilibré et de saison, réduire sa consommation d’alcool de de tabac, bouger au minimum 30 minutes chaque jour et dormir au moins 7 heures par nuit. Enfin, quand le SFC devient insurmontable, n’hésitez pas à consulter un médecin.
Sources :
G. Holmes, J. Kaplan, N. Gantz, A. Komaroff, L. Schonberger, S. Straus, J. Jones, R. Dubois, C. Cunningham-Rundles, S. Pahwa, G. Tosato, L. S. Zegans, D. T. Purtilo, N. Brown, R. T. Schooley et I. Brus, « Chronic fatigue syndrome: a working case definition », Annals of Internal Medicine, vol. 108, no 3, 1988, p. 387-389
Rochelle Joslyn, “ME/CFS Research Roundup: Brief highlights of biomedical research to date”, sur Medium, 4 octobre 2017
S. B. Harvey, M. Wadsworth, S. Wessely et M. Hotopf, « The relationship between prior psychiatric disorder and chronic fatigue: evidence from a national birth cohort study », Psychological Medecine, vol. 38, no 7, 2 novembre 2007, p. 933-940
The biology of chronic fatigue syndrome Anthony L. Komaroff, 2000
SU.VI.MAX : Etude de supplémentation en vitamines et minéraux. 1994-2003
Current evaluation of the milennium phytomedicine-ginseng (II): Collected chemical entities, modern pharmacology, and clinical applications emanated from traditional Chinese medicine. Jia L, Zhao Y, Liang XJ. Curr Med Chem. 2009;16(22):2924-42.
Haskell CF, Kennedy D, et al. A double-blind placebo-controlled, multi-dose evaluation of the acute behavioural effects of guarana in humans.J Psychopharmacol.. 2007 Jan;21(1):65-70
Spasov AA, Wikman GK, et al. A double-blind, placebo-controlled pilot study of the stimulating and adaptogenic effect of Rhodiola rosea SHR-5 extract on the fatigue of the students caused by stress during an examination period with a repeated low-dose regimen. Phytomedicine. 2000 Apr;7(2):85-9.
Blumenthal M., Goldberg A., Brinckmann J.(Ed). Expanded Commission E Monographs Ginkgo. American Botanical Council, publié par Integrative Medicine Communications, 2000.