Sherina Berreby
L’endométriose, ce mystérieux mal au féminin

Certain.e.s la qualifie de fléau de notre siècle. Pourtant, cette maladie gynécologique touchant près de 10% des femmes ne date pas d’hier. Découverte en 1860 par Karel Rokitansky, elle demeure longtemps délaissée par la recherche, n’entrant dans le programme des études de médecine qu’en 2020, soit 160 ans plus tard. Entre douleurs chroniques et errances médicales, que se cache-t-il vraiment derrière ce mal au féminin ?
Qu’est-ce que l’endométriose ?
L’endométriose est une maladie gynécologique chronique et inflammatoire encore méconnue car peu étudiée. Elle concerne de nombreuses femmes en âge de procréer et régresse à la ménopause. Toutes les femmes atteintes ne sont pas symptomatiques ou porteuses de formes sévères. La maladie se caractérise par le développement anormal de fragments de tissus semblables à la muqueuse utérine (endomètre), en dehors de l’utérus. Elle provoque parfois des douleurs d'intensité variable, des difficultés à concevoir, et dans certains cas une infertilité. Il est à souligner que ces symptômes varient considérablement d'une femme à une autre. Suivant le rythme hormonal, ces tissus produisent du sang à chaque cycle et se développent. Ainsi, on qualifie l’endométriose de maladie estrogéno-dépendante.
Les 3 types d’endométriose
Depuis 2018, le Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) classe les types d’endométriose en 3 groupes pouvant être associés :
Les lésions superficielles, péritonéales Ce sont les plus fréquentes : les lésions sont situées sur la surface du péritoine, c'est-à-dire sur les parois de l’abdomen recouvrant les organes digestifs. Elles sont superficielles et de petite taille : la profondeur des lésions ne dépasse pas les 5mm.
Les lésions kystiques des ovaires Ici, comme leur nom l’indique, il s’agit de lésions kystiques et hémorragiques situées sur les ovaires (endométriomes ovariens.) Le traitement chirurgical de ces lésions est délicat, car l’endométriome et l’ovaire sont parfois inséparables. Il existe alors un risque d'entraîner des dommages de l’ovaire lors du retrait du kyste.
Les lésions profondes, sub-péritonéales Les lésions s’infiltrent plus en profondeur, à plus de 5mm sous la surface du péritoine. Dans la moitié des cas, elles atteignent les ligaments utérosacrés (qui appartiennent à l'utérus et au sacrum). Plus rarement, les lésions touchent l'intestin, le rectum, la vessie, les uretères et le côlon.
Dans la plupart des cas, les lésions d'endométriose sont situées dans le pelvis et l'abdomen. Toutefois, il est possible dans des cas exceptionnels que le tissu utérin se développe dans le thorax : on parle alors d'endométriose thoracique.
Des symptômes disparates
Chez 1/3 des femmes, la maladie passe inaperçue. Le plus souvent, lorsqu’elle est symptomatique, elle se traduit par des douleurs au bas-ventre, exacerbées au moment des règles, et induit une infertilité dans 25 à 50% des cas. Les symptômes varient selon la localisation des lésions, d’où une variation significative des signes cliniques d’une patiente à une autre. Contrairement à une idée reçue, l’intensité des douleurs n’est pas proportionnelle à la sévérité de la maladie. Il est tout à fait possible qu’une lésion située au mauvais endroit soit plus douloureuse que de nombreux fragments. Parmi les symptômes, on peut trouver :
Des douleurs dans le bas ventre, surtout pendant les règles, qu’un traitement antalgique de type paracétamol peine à la soulager.
Des douleurs lors des rapports sexuels (dyspareunies)
Une alternance de diarrhée/constipation, surtout au moment des règles
Des douleurs lors de la défécation ou de l’émission d’urine
Plus rarement des rectorragies (présence de sang dans les selles)
Des phénomènes d’occlusion (ballonnements abdominaux, arrêt des selles et des gaz)
Des douleurs dans le bas du dos ou dans une jambe, comme durant une sciatique.
Une fatigue chronique liée au processus inflammatoire et aux douleurs répétées
Au-delà du système reproducteur et digestif, cette maladie a aussi des conséquences psychiques. Avec de nombreux symptômes douloureux et invalidants, elle peut altérer la vie familiale, sociale et professionnelle et favoriser la dépression et le repli sur soi.
Ses origines : la recherche à tâtons…
D’où vient-elle exactement ? Les réponses ne sont pas encore définitives, mais de nombreux travaux sont en cours pour expliquer l’origine de la maladie. Elle aurait des facteurs hormonaux, environnementaux et génétiques. Les femmes ayant un membre familial direct touché par la maladie auraient cinq fois plus de chances d’être également touchées. À ce jour, il existe trois hypothèses principales :
La théorie la plus connue est celle de lésions liées au reflux sanguin à travers les trompes. Les cellules d’endomètre se fixeraient alors de façon anormale sur le péritoine.
Une autre pointerait du doigt la transformation des cellules du péritoine (membrane qui soutient l’abdomen) en cellules de l’endomètre.
Des cellules de l’endomètre utérin passeraient dans la circulation sanguine ou la lymphe durant les règles, et migreraient ailleurs.
Toutefois, aucune de ces théories n’est en mesure d’expliquer les causes exactes de la maladie de façon plus globale, d’où d’importants moyens de recherche mis en place. Depuis janvier 2022, une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose a été lancée afin d’améliorer la prise en charge des patientes souvent démunies face aux multiples facettes de cette maladie.
BIBLIOGRAPHIE
https://www.sante.fr/endometriose/endometriose-la-recherche-et-laction-publique-avancent
https://www.institutendometriose.com/lendometriose/quest-ce-que-lendometriose/
https://www.inserm.fr/dossier/endometriose/
https://www.vidal.fr/maladies/sexualite-contraception/endometriose/symptomes.html